PSYCHOLOGIE : Jeune, il y avait cru. Son père y croyait aussi. Le rêve américain, celui dont ventaient les films hollywoodiens. Travailler fort pour réussir. Un merveilleux mensonge qui lui laissait aujourd'hui un goût amer de déception. Greg avait gardé, depuis la fin de ses études en droit, une rancœur envers la classe dirigeante. Oh, le Nébraskain n’avait toutefois pas participé aux manifestations ayant secoué son pays depuis l’élection et la réélection du quarante-cinquième président. Il faisait partie de cette masse silencieuse qui subit les coups et contrecoups de la classe dirigeante.

L’homme n’en restait pas moins bon vivant. Qu’on ne lui parla pas de politique, il savait se montrer ouvert à la rigolade. Il rigolait, éternuait, parlait assez fort pour qu’un sourd réussisse à l’entendre. Quoique sa bonhommie puisse être un désagrément pour certains, son visage empli de franchise attirait bien souvent la sympathie des autres.

Ses parents, des catholiques pratiquants, lui enseignèrent l’importance de la famille, des amis et du partage. L’ancien facteur chérissait les moments familiaux au point de n’avoir raté aucun match de baseball de ses fils. Sa séparation forcée avec sa femme et ses enfants le troublait profondément, à quoi il pouvait, les mauvais jours, se montrer plus héritable. Greg attendait avec impatience le jour où il pourrait à nouveau les serrer dans ses bras.

Face à un élément importun, le brun avait tendance à froncer le nez.
Enfin, il était fan de baseball et il avait une frousse des orages.

HISTOIRE :Greg connut la vie d’un homme ordinaire. Issu d’une famille moyenne – son père était copropriétaire d’un commerce de véhicules motorisés et sa mère institutrice – il a grandi à Papillion en banlieue d’Omaha. Durant de nombreuses années, sa vie consistait à l’école public, le baseball, les activités entre amis et les messes du dimanche matin. A noter que plus les années passèrent, moins le Nébraskain se levaient pour cette activité dominicale. Les rares escapades familiales à la mer lui permirent de développer un intérêt particulier pour les bateaux. Il commença, dès l’âge de huit ans, sa collection de maquettes de bateaux.

Comme tous les enfants de sa génération, il vécue les grands changements des jeux vidéo, l’apparition du premier ordinateur à domicile ainsi que l’âge d’or du rock alternative et des boys band. L’adolescence marqua son visage durant de nombreuses années et Greg ne réussit à se débarrasser de son acné que lors de son année de Sophomore. Il ne fut jamais couronné roi du bal ou nommé capitaine de son équipe de baseball. Pourtant, il n’avait jamais été déçu de sa jeunesse. Heureux, le garçon travaillait dur sans rechercher la reconnaissance d’autrui.

Ce fut toute une surprise lorsqu’il rencontra les recruteurs des Yellowjackets de l’Université de Rochester. Boursier, lui. Chance inespéré que Greg ne pouvait refuser, il se emménagea à l’été de ses dix-huit dans un dortoir universitaire. Ce fut lors de ses années de droits que le jeune homme rencontra Hannah, sa future femme. De deux ans son aînée, elle trouva un boulot comme puéricultrice dans la ville voisine le temps que Greg termine ses études. Ensemble, ils déménagèrent à New-York dans l’espoir d’améliorer leur sort.

Sans trouver un emploi dans un cabinet, le Nébraskain se résigna à travailler quelques années dans l’administration de la ville. Si ce boulot permettait de se nourrir, Greg ne se voyait pas rester gratte papier toute sa vie. Il troqua alors cravate et veston contre casque et vêtements de sport pour devenir facteur à vélo. Zigzagant entre voitures et piétons, il pédalait son chemin au soleil comme sous la pluie. Muté à de nombreuses reprises, il développa une précieuse connaissance des différents quartiers de la métropole.

La famille s’agrandit avec l’arrivée de son premier enfant, Nathan, alors qu’il était à peine âgé de vingt-six ans. Monsieur et Madame Montague aidèrent les nouveaux parents pour arrondir certaines fins de mois et n’hésitaient pas à quitter leur banlieue d’Omaha pour donner un peu de répit au couple. Puis, Hugo s’ajouta. Leur quatre et demi de Brooklyn commença alors à se faire trop petit pour une famille de quatre et un chien. Cinq longues années à se marcher sur les pieds leur furent nécessaires pour amasser suffisamment d’argent pour l’achat de leur première maison. Loin des supermarchés, mais près de l’école primaire, elle convenait parfaitement aux Montague.

Tout allait bien. Nathan et Hugo faisaient quelques bêtises et étaient en santé, Hannah venait de décrocher un emploi mieux rémunérer dans un hôpital non loin de leur banlieue new-yorkaise et Greg continuait de livrer les colis d’un office à un autre. Ce dernier était dans un café de la 4e avenue lorsqu’il ouïe le reportage ; Moscou déconnecté du monde. Chaque jour, où qu’il aille, il en entendait parler. Les images satellites figuraient sur les nombreux journaux, les marchés économiques fluctuaient en tous sens, plus personne n’osait porter la fameuse casquette rouge « Make America Great Again » ou sa parodie bleue « Make the World Great Again », on s’inquiétait. La panique plantait peu à peu ses racines dans le cœur des américains.

Les Montague prirent alors une décision difficile. Hannah et les petits partiraient pour le Nébraska vivre avec les grands-parents. Là-bas, loin dans les terres, ils connaîtraient un peu de calme. Greg, quant à lui, les rejoindrait dès que possible. Il n’eut jamais l’occasion de partir pour Papillion.

Alors à Brooklyn pour y prendre le train, le gaz les prit tous par surprise. Alors que les autorités poussaient les passagers vers les trains – pour les envoyés en sécurité dans l’ouest du pays – Greg n’attendit pas pour rebrousser chemin. Par chance, il tomba sur l’un des bunkers de la ville et y pénétra avant d’être affecté par le gaz. Il s’enfonça de cent vingt-cinq marche vers sa nouvelle résidence.

De facteur à vélo, il devint Outsider. On lui avait confirmé que sa bonne condition physique et sa connaissance accrue de la ville sauraient être bien utilisé par le corps militaire. Chaque jour, il aide son escouade dans l’espoir qu’un jour, il puisse retrouva sa famille séparée de lui.