Il y avait un tissu entre ses mains –un peu rêche, un peu abîmé et un peu déteint. Elle ne savait pas quoi en faire, et la matière était fraiche contre ses paumes moites, et- et elle ne savait pas quoi en faire. La porte de la salle d’entrainement devant ses yeux était hermétiquement close, et une action de la poignée de porte servirait à changer cet état de fait mais ça paraissait tellement grand et tellement trop. Passer de l’autre côté semblait être quelque chose d’insurmontable, avec beaucoup trop de conséquences, trop de danger, trop d’incertitudes. Le t-shirt qu’elle tenait était plié un peu n’importe comment et encore humide aussi, et pas très bien lavé- ou un peu trop à certain endroit- et ça sentait la rouille, le sang et la cerise, et c’était beaucoup trop grand et trop masculin pour elle.
De l’autre côté de la porte, elle pourrait trouver le propriétaire de ce t-shirt. Ou peut-être pas. Elle pourrait peut-être le poser sur un banc, ou le donner a quelqu’un d’autre, le refiler, l’envoyer loin et l’oublier, ou le poser devant une porte de chambre, au hasard, espérant que ça serait la bonne –ou elle pourrait le jeter a la poubelle. Mais il y avait encore des tâches de sang sur le t-shirt et sur ses doigts, là où elle avait frotté pour essuyer l’hémoglobine –la sienne, toujours, celle qu’elle n’avait pas désirée et l’autre.
Elle était mal à l’aise, ici, mais plus vraiment, pas comme avant, parce qu’il y a des gens qui vont et qui viennent et qui sont un peu abîmés, eux-aussi, depuis quelques minutes ou depuis toujours et avec sa lèvre éclatée et sa pommette gonflée, Pandore se sent un peu plus comme eux et un peu moins comme personne, et ça la rassure. Mais elle n’arrive pas à passer la porte. Les doigts tremblants, elle plonge la main dans sa poche et même la sensation de sa paume à l’étroit la rend fébrile, alors la clope qui vient trouver sa place entre ses lèvres sèches est oscillante, et elle frémit, parce que ses doigts la démangent, et le briquer dans sa blouse aussi –une flamme et le début d’une fin, une flamme et une course contre la montre à la suivante. Mais c’est interdit ici, alors la nicotine est là, au bord de ses lèvres et Pandore est là, au bord du gouffre.
Pandore attend, un rugissement dans la gorge et le cœur au bord des lèvres, fébrile, frustrée. Dans ses mains, le t-shirt de John Adama patiente sans qu’elle ne sache quoi en faire.