Un souffle pénible, la pénombre des sanitaires... Assis contre le mur froid, tu tentes de te recentrer sur toi même. Les yeux clos, tête appuyée contre la surface dure, tu sers ton bonnet de laine entre tes mains. Tu le tords, enfonçant tes doigts dans la matière alors que ta gorge est broyée par une force invisible et pourtant trop présente. Encore une fois, l'angoisse t'a sortie de ton lit au beau milieu de la nuit. Encore une fois, tu t'es senti prisonnier de ces murs imposants. Tu veux t'enfuir, aller les chercher... Mais t'as la trouille.
T'aimerais juste que tout soit comme avant. T'as la tête qui tourne, tu manques d'air... Alors tu t'enfuis dans tes souvenirs, tu te remémores ces moments qui n'ont plus aucune importance.

T'es né dans l’hôpital miteux d'un quartier défavorisé, en Amérique. Ta mère, tu t'en souviens que très peu... Des brides d'images, des effluves de cigarettes, une voix lointaine. Mais tu t'en fous. Elle vous a abandonné, toi et ton père, pour une vie qu'elle jugeait meilleure. Lui, il était déchiré, piétiné, brisé mais il a toujours été là. Un homme simple mais tellement fort. Il t'a appris à ne jamais baisser les bras, même quand les choses étaient trop dures. Jamais il ne te montrait qu'au fond il se sentait misérable, toi, tu l'as toujours vu briller. Alberto, comme ton deuxième prénom. T'as grandi dans une ville délaissée par toute richesse. Quartier latino où la pauvreté était lisible dans chaque regard. Ton rêve, c'était de te barrer de là... Changer de vie mais on te rappelait cruellement qu'il te faudrait des ailes pour y parvenir. Pousser par ton père, t'était un élève médiocre mais pas incapable... T'étais plus manuel, c'est tout. L'école, c'était une sorte d'enfer grimé en un vieux bâtiment miteux. T'étais une proie facile, un mec trop gentil pour rendre les coups. En fait, ça te passait au dessus. Puis, y'avait ce type, le genre de gars qui inspire la méfiance au premier coup d'oeil. Pryam. T'étais une sorte de passe temps pour lui, à croire qu'il n'avait rien d'autre à faire que te foutre la misère. Oh, vous vous êtes déjà taper sur la gueule plus d'une fois, t'as fini par prendre l'habitude de le détester. Et t'as décidé de ne plus venir en cours. Il t'a tellement humilié ce jour la, que t'as préféré fuir à la place d'ignorer.

L'école, tu l'as quitté à l'âge de 16 ans, préférant intégrer le petit garage de ton père en tant qu'apprenti. Là, tu t'es découvert un don inné pour la mécanique. Capable de jongler entre clés dynamométrique et purgeur de frein, t'as réparé un tas de bagnoles comme si t'avais fait ça toute ta vie. Un chemin se traçait devant toi. Elle. Ashley, c'était cette fille magnifique qui bricolait à coté de toi. Tu comprenais pas trop ce qu'elle fichait là mais t'étais bien content qu'elle y soit. Un caractère de battante dans un corps d'ange, elle t'a attiré au premier regard. Une rousse coiffée d'un bonnet de laine, c'est pas courant. Très vite, vous êtes devenus inséparables, traînant toujours ensemble à la moindre occasion. Bien sûr, toi, tu lui as jamais dit que t'avais un faible pour elle... C'était mieux de rester super potes sans prendre le risque de la perdre ou de créer un malaise. Vous faisiez des trucs comme, mater les étoiles, se moquer du caniche de la voisine, des concours au garage... Des trucs sympas. Âmes soeurs, vous ne vous êtes pas quitté d'une semelle durant deux ans.

"C'était un jour banal, un jour qui devait être comme les autres. Il devait l'être... C'était obligé. Toi, t'étais arrivé au garage assez tôt, tu te faisais trop chier chez toi, incapable de dormir plus longtemps. Dehors, c'était le déluge. La pluie battait les vitre et venait s'écraser sur les taules qui servaient de toit. On aurait dit que le ciel était en colère... Quoi de plus normal, avec le bordel que l'être humain avait foutu sur sa planète. Écouteurs coincés dans les oreilles, tu bidouillais un moteur qui te semblait très important sur le moment. C'est dingues comme les priorités peuvent changer d'un instant à l'autre... Malgré ta concentration, il t'a alerté, ce bruit. C'était comme un vrombissement, un hurlement  répétitif. T'as vite constaté que c'était le chant d'une sirène. Paralysé, t'as pas compris tout de suite alors qu'un million de questions se creusaient une place dans ta tête. Un tremblement de terre? Une tornade?... Que dois-je faire? Est-ce dangereux?... Est-ce mortel? Tu finis par réagir, agrippant ton portable qui se mis à vibrer dans ta main noire de cambouis.
C'était ton père... Sa voix n'était pas aussi calme qu'à l'ordinaire et ça, ça te foutait une angoisse de dingue. Il t'ordonnait d'aller au supermarché, prendre tout ce qui se passait sous la main et de prendre la route. Incapable de répondre, tu restais planté là, dans le garage désert qui avait pris des allures de cauchemar. Tu ne comprenais pas. Une voix qui se voulait moins alarmée t'expliquait qu'il te retrouverait au bunker A... Qu'il fallait simplement suivre la route vers Twenty-One et que tout se passerait bien. Une tonalité te sorti de ta torpeur, tu fixais le portable inutile, paralysé. Ahsley. Nerveusement, t'as tenter de chercher son  numéro dans tes contacts, mains tremblantes et inaptes à écouter ton cerveau. Putain. Tonalité, tonalité... Tonalité! Le réseau était sûrement en surcharge.

Dans la voiture, tu roulais à toute allure, essuies-glace battants contre le par-brise couvert de buée. Des flash-info fusaient, expliquant la situation. Tu savais que tu devais faire confiance à ton père mais il fallait que tu sois certain qu'Ashley aille bien. Dans les rues, c'était étrange, des voitures remplies de bagages semblaient quitter leur propriété tandis que d'autres regardaient cette folie sur le pas de leur porte. Paradoxe. Arrivé à destination, tu sortis de la voiture, courant à t'en faire exploser les poumons, vers la porte. Trempé, tu t'es mis à frapper tes poings sur la surface de bois, esperant qu'elle se briser pour te laisser entrer. Comme si le monde était séparé en deux, la porte s'ouvrit, laissant place à Ashley, bien plus calme que lui. T'avais du mal à comprendre son calme, elle n'était pas au courant...? C'était une blague? Tu devenais fou...? Un regard détourné, elle semblait mal à l'aise, toi, t'en revenais pas. Son père refusait tout bonnement de quitter la maison. C'était, soit disant, une fausse alerte qui permettrait aux russes de prendre le pouvoir. Un taré. Avec la force du désespoir, t'avais agrippé son bras, tentant de la tirer dehors en lui faisant comprendre que c'était dangereux... Irréaliste de rester planté là à attendre. Un coup sec, un regard fouillant, elle s'était détachée de toi pour regagner la maison. Je suis désolée. Impuissant, tu t'es contenté de la fixer, tandis qu'elle retirait son bonnet pour te le tendre. Dans son geste, autant de regret que dans son regard. Toi, t'as hésité, pour finalement saisir le bonnet gorgé d'eau. Sans un mot, elle t'a souri, puis s'est éloignée, fermant la porte devant toi. T'avais déjà commencé à te fissurer à ce moment là.

En colère, tu t'étais mis à rouler à toute vitesse, omettant de faire un arrêt au magasin. Rouler, tu voulais juste rouler et t'éloigner le plus possible de tout ça. Ton père? Il te rejoindrait. T'avais jamais eu aussi mal... T'avais jamais ressenti autant d'impuissance, autant de regrets. L'abandonner? C'était une erreur, t'aurais du l'emmener de force... Laisser ton père derrière toi? C'était une erreur, tu n'aurais pas dû lui faire confiance cette fois..."

T'ouvres soudainement les yeux, te remémorer tout ça n'a fait qu'empirer ton mal-être. Depuis que t'es arrivé dans ce bunker, t'as envie d'en sortir. On t'a parlé de choc post-traumatique, d'angoisses refoulées qui prend la forme d'une claustrophobie. Non, toi tu sais que ce sont tes regrets qui tentent de te rendre fou. Ils t'étrangles, te donnent la sensation que les murs se rapprochent pour te broyer... Depuis que t'es arrivé dans ce bunker et que t'as attendu des heures devant ses portes, espérant qu'il arrive avant qu'elles ne se referment. Espoir. Oui, t'étais rempli d'espoir... Peut être qu'ils allaient arriver ensemble? Peut être qu'elle avait changé d'avis? Mais rien, les heures s'étaient écoulées, te laissant effondré devant ses immenses portes qui t'enfermaient à l'intérieur, t'enfermant dans le noir en réduisant à néant toutes perspectives de miracle.

Déglutissant, tu remets le bonnet sur tes cheveux en bataille, te redressant mollement tout en ajustant ton t-shirt. Après tout, c'est ton histoire, les autres ne doivent rien savoir... Alors, ce sourire trop souvent visible sur ton visage reprend sa place et tu t'éloignes dans les couloirs sombres.  

Tous ont tendance à te dénigrer, te considérer comme un enfant. Il est vrai que tu ne payes pas de mine du haut de ton mètre 73, on peut même dire que t'es taillé comme un haricot. Trop mince? Simple, tu ne manges pas comme tu devrais le faire à ton âge. Gamin électrique, hyper-actif, tu traînes ton corps svelte et filiforme partout dans le bunker, exhibant parfois un torse mate sur lequel sont gravés quelques abdominaux timides. Merci l'entraînement. Tu ressembles à un gosse... T'as encore les joues rondes d'un poupon, parsemées de tâches de rousseur, certains viennent les pincer pour t'ennuyer. T'es un peu le petit frère public même si ça te saoule. Rien qu'à te voir, ils ont envie de te protéger. Normal... T'as l'air tellement fragile Ilya. Si ils regardent bien, ils pourront remarquer que tu as quelques piercings, des plugs de 20mm ainsi qu'un anneau nasal... Un délire d'Ashley.

Mais rien de tout ça ne te fait perdre le sourire, celui qui reste suspendu à tes lèvres les trois quart du temps, celui marqué d'une fine cicatrice. T'es pas du genre à tirer la gueule pour rien. C'est un large sourire, celui qui donne envie de t’accoster pour faire ta connaissance, celui qui rassure et est inspirer par tes éclats de rire. Tu transpires la candeur et la confiance. Dans ce monde, si on ne sourit pas, autant crever... Et tes yeux, esquisses de malice, sont les miroirs de ton âme. Noisettes aux reflets émeraudes, ils pétillent et se voilent parfois, bien que tu portes un masque pour cacher ton mal-être. T'es un petit brun et tes cheveux en fascinent plus d'un. Cette chevelure épaisse et légèrement crépue subit parfois les attaques répétées des mains qui s'y glissent à ton insu. T'as tendance à porter ton bonnet h24, tu te sens même nu quand il ne trône pas sur ta tête. Un bonnet gris, délavé, qui ne sent pas la rose mais qui semble avoir énormément d'importance pour toi. Malheur à celui qui poserait la main dessus ou son crâne dedans. Par contre, t'es totalement imberbe, y'a pas un poil qui pousse, enfin, sur le visage du moins.

T'as un style simple, propre à un gamin de ton âge. Une tendance aux jeans trop larges, un t-shirt, des vieilles vans et le tour est joué. Tu te prend pas trop la tête. Ils peuvent parfois te voir traîner sur ton skate au détour d'un couloir... Une vieille planche que t'as sauvé de l'apocalypse. Elle fait partie de ta thérapie... T'as tous les droits de rouler comme un danger public sans te soucier des engueulades.
Un autre truc qui te caractérise bien, ton accent. Ayant des origines espagnoles, chez toi, on parlait plutôt la langue des torero et ça t'est resté. De temps en temps, un mot spanish peut se glisser dans ton vocabulaire légèrement déformé par tes roulements de langue exotiques.



   

Un rire au détour d'un couloir, le bruit d'un skate qui raisonne... Comment ne pas te remarquer Ilya? T'es un mec plein de vie, genre, impossible pour toi de te lamenter sur ton sort ou de laisser quelqu'un sombrer sans lui tendre la main. Trop gentil? C'est possible. Connu pour ta compassion et ton coté malicieux, t'es, en quelques sortes, le petit comique de la situation. Pourquoi tirer la gueule? Tu ne cautionne pas le fait d'abandonner après un coup dur et tentera toujours de remonter le moral des troupes en lâchant une connerie ou l'autre. Timide, tu ne l'es pas, t'es même brouillant et t'aimes te faire remarquer, montrer que t'es là. Trop collant, ils t'envoient balader pour que tu les lâches un peu mais c'est ton coté attachiant... T'as du mal à comprendre qu'on ne puisse pas accepter un coup de main de ta part et t'as même tendance à bouder rapidement, mais ça ne dur pas longtemps. Arrogance. C'est étrange, ça fait même peur de ne pas te voir retirer ton masque d’allégresse. T'es un hypocrite Ilya, tu prônes la positive attitude, mais au fond de toi, t'es brisé en milles morceaux. Peut-être que le fait d'apporter du soutien aux autres te donne l'illusion d'aller mieux? Oh, ton sourire est vrai mais arrête de te cacher pour chialer.

Malgré la force et la volonté que tu dégages, t'as peur. Oui, t'as peur... Peur d'être abandonné, peur de ne servir à rien, peur de faire une connerie, tu cherches la sécurité et en même temps tu as peur d'être enfermé. Comme si des mains seraient ta gorge, ton souffle s'envole et te laisse entre les griffes de l'angoisse. Etre enfermé dans une pièce est pour toi un enfer. Incapable de rester en place plus de deux minutes dans un endroit clos, tu remues et te décharges sous peine d'agacer ton entourage. Alors, tu glisses sur ta planche à travers les couloirs froids et ça te donne l'impression de t'envoler... De survoler tout ce poids qui t'écrase les côtes. Claustrophobie.

Et même si la bienveillance te transperce, tu n'en restes pas moins un ado'. Respecter les ordres, d'accord... Mais les ordres injustes, c'est une autre histoire. T'es têtu. Quand t'as une idée en tête, il faut de très bonnes raisons pour que tu l'abandonnes et encore...
tu t'en es déjà pris quelques unes pour ton insolence. Impulsif?... Parfois, tes mots ont tendance à dépasser tes penser et tu blesses, tu écorches et tu regrettes, tu regrettes tellement. Lever le poing? Quand on te pousse à bout, ça peut arriver. T'as parfois du mal à gérer le stress et ça t'emporte dans un torrent de nervosité qui te transforme complètement. On a tous ce coté plus sombre. Du respect pour tes supérieurs, tu en as mais tu ne te priveras pas de leur faire comprendre qu'ils commettent des erreurs, tout comme toi. Parce que tu en commets et ça te met une pression de dingue. Mécano' dans l'escouade Bravo, c'est pas rien... Foirer le rafistolage d'une arme peut coûter la vie aux membres de ton équipe. Alors tu passes des heures à t'entraîner, jouant du tourne vis et de la clé de 12 pour leur montrer que tu es capable... Que tu es efficace. Etre irréprochable. Parfois, ça t'empêche de dormir, c'est comme une voix qui te murmure que t'en es pas capable, comme des mains qui plongent dans tes entrailles et s'amusent à tout remuer. Tu manques un peu de confiance en toi Ilya et ça te fait douter de ton utilité dans l'équipe.  Bien entendu, t'en parles pas, tu gardes tout pour toi et tu t’effondres une fois seul, emporter dans une détresse et une fébrilité que tu ne peux plus contrôler... Je n'ai pas pu la sauver.

Avec les filles, on va dire que tu restes un mec hein... Un peu maladroit, voir timide, tu t'en approches mais ne tentes rien. C'est aussi une sorte de respect, tu connais trop bien ces gros crétins qui se la jouent pour tenter de séduire le sexe opposé. Non, toi, tu joues la carte du bon ami... Tu préfères rester dans la "friendzone" plutôt que faire un truc de travers qui pourrait te faire passer pour un obsédé. Oui, parce que... Même si t'as le respect, y'a quelques trucs pas très folichons qui te flottent dans la tête. Puis, t'es persuadé d'être un hétéro dans l'âme, la virilité et tout ça mais tu sembles parfois attiré par des individus mâles, ce qui te perturbe pas mal, d'ailleurs, tu le gardes pour toi.

Pour le détail important dans ta nouvelle vie; T'es un Outsiders et pas de n'importe quelle escouade, tu fais parti de Bravo et il est primordiale d'agir en conséquence. Ils t'ont laissé ta chance pour montrer de quoi t'es capable et malgré des erreurs de débutant, tu te débrouilles pas trop mal. Faut dire, t'étais un apprenti mécano dans un garage, c'est les bagnoles ton truc, les armes à feu, t'y as jamais vraiment touché.