April a probablement été conçue lors de cette soirée de fin d'année, après que les examens soient passés. L'envie de tout relâcher et de décompresser que chaque étudiant laissait paraître dans des pas de danse effrénés ou des verres bien alcoolisés, ou le simple désir de s'amuser le temps d'un instant a sûrement été l'élément déclencheur de cette union improvisée dans des draps inconnus. Entre les caresses de l'un et baisers de l'autre, l'empressement insouciant de ces deux anonymes a fait que, huit mois et un accouchement prématuré plus tard, April faisait partie de notre monde. 
Sa mère ne l'accueillit pas à bras ouverts, au contraire, elle avait même failli avorter lorsqu'elle avait su qu'elle portait en elle un enfant qu'elle n'avait en rien voulu et dont l'identité du père, le jeune homme à cette fameuse soirée, était inconnue. Ses conflits de famille sur le dos, le stress des études supérieures à ses côtés et ses quelques prochaines dettes en vue, elle déposa naturellement April dans les vestiaires du gymnaste de son ancien lycée une nuit de mars, trop honteuse pour l'apporter à un orphelinat.

Ce n'est que le lendemain matin, lors du ménage habituel effectué dans le bâtiment, qu'une fée du logis trouva l'enfant endormi. Elle le déclara au commissariat le plus proche qui, démuni de tout renseignement, remit April à un orphelinat.

C'est dans cet orphelinat situé au nord-ouest d'Ohio qu'elle passa son enfance. Elle parlait peu et répondait par des réponses brèves, sans réelle ponctuation. Elle était très souvent – dès qu'elle le pouvait – isolée des autres enfants et évitait la compagnie de ces derniers. N'attirant l'attention de personne et se faisant le plus possible transparente, personne ne s'occupa de ses quelques anomalies. Ce n'est que vers l'âge de sept ans, lorsqu'elle devint agressive envers les autres orphelins qui touchaient ou déplaçaient ses affaires, qu'on commença à s'intéresser à son cas. Jusqu'alors dite comme étant une personne passive et désintéressée, les autres enfants la traita de « cinglée » et l'isola encore plus, ce qui ne toucha guère April. Les responsables de l'orphelinat la déplacèrent dans une chambre à part où elle grandit, seule et renfermée. Elle excellait dans la majorité des matières scolaires – elle sauta deux classes durant sa scolarité et eut son bac à l'âge de 16 ans – et jouait brillamment de la guitare, allant de la classique à l'électrique tout en passant par l'acoustique et la basse. Elle prit l'habitude de marcher lentement mais silencieusement, de toujours s'asseoir dans la même position (un genoux replié, l'autre en tailleur) et de sans cesse gratter la jointure entre ses doigts et le dos de sa main, là où les os métacarpiens ressortent, du fait qu'une forte irritation soit apparente.


L'orphelinat manquant de moyens, April ne rencontra aucun psychologue ou médecin tandis que beaucoup se doutaient qu'elle était atteinte de troubles du spectre autistique. Elle ne reçut aucun traitement ; ses troubles faisaient partie d'elle.

Après avoir eu son bac, elle commença des études en informatique dans une petite fac pas trop loin de l'orphelinat. À quelques mois de la fin de sa première année, en février, le fameux accident eu lieu. Étant prévenue qu'un bunker était prévu et ouvert, April fuit l'orphelinat et rejoint le bunker – encore et toujours – seule.

April n'est pas grande : à dix-sept ans, elle fait un petit mètre soixante-deux. Plutôt maigre, d'allure faible, sa peau légèrement transparente et d'une blancheur terrifiante ne fait que renforcer son côté fragile. Ses deux petites jambes ont l'air de la porter avec difficulté ; sa démarche est lente, disgracieuse, silencieuse. Ses poignets et ses mains abîmées sont fins, ses doigts sont longs ce qui lui permet une plus grande facilité pour jouer de la guitare. Sa poitrine et ses hanches peu développées n'attire l’œil d'aucun homme. Souvent courbée, un début de cernes sous ses yeux, une fatigue inconnue l'habille. 

Son visage ne rayonne pas : elle affiche sans cesse une expression ennuyée ou désintéressée. Ses yeux tournant vers une couleur noisette, aux grandes pupilles, se posent souvent doucement mais sûrement à un endroit précis ; elle peut rester à fixer un objet durant des heures, perdue dans ses réflexions – ou ailleurs. Vous arriverez peut-être à croiser son regard, neutre – probablement trop neutre –, quelques fois ; vous ne serez ni chamboulé, ni percuté par je ne sais quelle force, au mieux vous froncerez les sourcils en cherchant une quelconque marque d'expression. Ses paupières laissent ressortir ses veines, ses sourcils sont peu prononcés, ses cils sont longs. Ses cheveux d'un blond naturel sont épais aux pointes sèches.

April est très anxieuse, souvent stressée, comme nous le montrent les nombreuses irritations sur le dos de sa main. Elle appréhende beaucoup, autant en bien qu'en mal, et agit en fonction de ses appréhensions. Elle n'agit d'ailleurs pas sans raisons et est persuadée que lorsque l'hésitation nous gagne, il vaut mieux laisser tomber et y réfléchir plus tard. Elle n'aime pas ce qui sort de l'habitude, les imprévus, ce qui dérange lourdement son quotidien ; elle se met alors à angoisser. Elle est dotée d'une grande intelligence dont elle se sert efficacement, et d'une certaine logique. April réfléchit beaucoup, parfois des heures dans la même journée, quelques fois pour des choses futiles. Elle est insociable, n'acceptant de la compagnie que lorsqu'elle en est obligée, et ne parle que lorsqu'elle en trouve le besoin ou l'utilité, ou simplement quand elle en est forcée. Elle a un léger côté maniaque mais en rien paranoïaque. Elle n'aime pas que quelqu'un lui demande de faire un choix, elle préfère qu'il vienne spontanément d'elle, comme une certaine évidence. Elle est à l'écoute de conseils et critiques argumentées mais n'engagera pas de débats ou longues discutions. Elle ne s'impose pas ou peu et tente de ne déranger personne car elle-même n'aime pas être dérangée.