C’était la fin de la journée, ou plutôt de ma journée. Une équipe d’infirmiers venaient pour nous remplacer. Le signal pour nous de retourner à nos compartiments, de nous détendre sous une douche – si si en cinq petites minutes c’est possible – et de prendre le temps de manger. Même si j’apprécie mon travail, je ne dis pas non lorsque la relève arrive. Dans le top trois des choses que je préfère, le sommeil arrive avant ma fonction. Et puis ma nuque est raide, douloureuse, et j’ai l’impression de ne plus sentir mes pieds. J’ai envie de pioncer, jusqu’au moment où je devrais retourner à mon poste.
J’adresse quelques sourires à l’équipe de nuit et un de mes collègues se charge de leur donner nos notes de la journée. Elles rassemblent ce dont nous avons eu besoin comme équipements et médicaments, des indications pour certains patients, et j’en passe.

Là-dessus, je quitte la salle de soin avec un soupire de soulagement. Mes pieds me dirigent d’instinct vers les douches. A cette heure-ci, il y a assez peu de monde, si bien que je n’ai pas à attendre mon tour. J’entre dans la première cabine, verrouille la porte derrière moi et commence à me déshabiller. Lorsque j’ôte mon pantalon, le bruit d’une petite boîte sur le sol me surprend. Je sursaute. Je roule des yeux en remarquant que je suis aussi courageuse qu’une petite fille de cinq ans et qu’il m’en faut peu pour me secouer. Je me baisse et ramasse l’objet de mon inutile frayeur. Un médicament. Sur les ordres d’un médecin, je devais me charger de lui donner matin, midi et le soir avant qu’il s’endorme. Ce soir, j’ai oublié.

Je marmonne un juron tout en refaisant glisser mon pantalon sur mes jambes. Ma douche devra attendre. Je déverrouille la porte, croise l’une des infirmières de mon équipe et agite la boite pour lui faire comprendre où je me rends. Dans les différents couloirs, je marche rapidement tout en soupirant à chaque coin. Parmi les choses que je déteste le plus, perdre mon temps m’exaspère.
Je fais un rapide tour dans la salle de soin et tapote l’épaule du premier venu. Je le mets au courant pour le traitement du patient. Vous me direz, j’aurai pu faire confiance aux notes que nous leur avons laissées, et ils se seraient chargés de vérifier qu’il avait bien eu son médicament. Mais ce dernier est plutôt rare dans nos stocks et se trimbaler dans le bunker avec est fortement déconseillé.
Lorsque j’ai terminé, j’ai en tête de me rendre une nouvelle fois vers les douches. Il est tard, j’ai faim, et je dois avouer que je ne suis pas dans ma meilleure humeur.

En passant tout près, j’entends du bruit dans la réserve. Elle devrait être fermée à double tour. Il n’y a pas de raison pour que quelqu’un s’y trouve. Il y a quelques jours, j’ai moi-même été de corvée pour vérifier les stocks. Les infirmiers ont tout ce dont ils ont besoin en cas de pépin pour s’occuper des patients cette nuit. Je ralentis la cadence et j’avance à pas feutrés. Quelqu’un est à l’intérieur, j’entends des pas. Je fronce un peu les sourcils et puis finalement, d’une voix forte, je lance :

« Il va falloir m’expliquer ce vous fichez là-dedans ! »