Le pourquoi du comment

ft. une personne inattendue

Il est stable, mais il n'a pas encore complètement récupéré. Il a sans doute vécu quelque chose de traumatisant, je vous prie de repasser plus tard.

Les yeux clos, j'avais cru entendre une voix féminine dans les environs. Ce n'était pas très net mais j'avais pu en saisir le sens. Je ne savais pas à qui elle appartenait et cela ne m'importait que peu. Je n'en étais tellement pas intéressé que je perdis conscience de tout ce qui m'entourait.

Il dort encore. Mieux vaut le laisser ainsi, c'est bon pour son rétablissement.

La même voix. Elle était plus claire cette fois-ci, mais toujours aussi lointaine. Je pris rapidement conscience que j'étais allongé et que j'avais mal, terriblement mal. Mais ce n'était pas important, non. Ce qui importait était de replonger dans ces ténèbres liquides qui avaient l'avantage de ne pas me laisser souffrant.

Je ne sais pas... Peut-être dans quelques jours, ou quelques semaines. Ça dépend entièrement de sa combativité. Il se peut aussi qu'il abandonne tout et dans ce cas, nous serons forcés de prendre d'autres mesures.

Encore la même voix. La douleur avait disparue et j'étais toujours allongé. Dans un lit ? Ce n'était pas normal. Voyons... La dernière chose dont je me souviens est que j'avais réussi à atteindre la porte du bunker. Tim... Je n'avais pas réussi à le sauver, pas plus que Kimberly, Thomas, Jeff, Lindsey et Alexis. Quel chef pitoyable... Il ne restait plus que moi, Sandra et Damien. Le pire c'est que de Steve, je n'avais pu garder que le t-shirt qu'il m'avait offert... Je pensais qu'on s'en sortirai ensemble, que, comme par le passé, nous pourrions compter l'un sur l'autre, mais non. C'était fini maintenant. À cause de ces fils de chienne je suis seul maintenant... Seul avec des souvenirs. Les rejoindre ne serait pas si mauvais, n'est-ce pas ?

Une stimulation... C'est peut-être ce qu'il lui manque.

Je vois... Pouvez-vous nous laisser seuls ?

Oui, bien sûr.

Une nouvelle voix. Pour une raison encore obscure, elle me semblait familière. Certainement un tour de mon esprit pour me donner de faux espoirs.

C'est pas ton style de te laisser abattre comme ça. Je ne pensais pas qu'on puisse se retrouver ensemble par les temps qui courrent, mais j'en suis plutôt heureuse. Maintenant que t'es là, t'as pas intérêt à me laisser tomber, sinon je te jure que je le dirai à tante Florence pour que tu ne puisses pas reposer en paix.

Cette voix et cette façon de parler... Ça faisait des années que je ne les avais pas entendues. Ma cousine ? Que faisait-elle ici ? Et plus important encore, comment osait-elle me parler ainsi de ma mère ? Depuis que le monde était devenu invivable, je n'avais pas eu une seule nouvelle de ma famille, ce qui était déjà assez douloureux comme ça, alors pourquoi insinuait-elle qu'ils étaient morts ? Même si je voulais bien admettre que c'était sa façon de faire son deuil et d'avancer, je ne pouvais pas abandonner tout espoir, ce n'était pas dans ma nature. Alors qu'est-ce que tu fous allongé des journées durant dans un lit ? Qu'est-ce que t'attends pour te réveiller ? Comme elle l'a dit, c'est pas toi qui abandonne tout d'habitude. Alors bouge-toi.

Abandonner ? Non, ce n'était pas mon intention. Je voulais simplement échapper à mes souffrances, tout oublier. Mais ça revenait au même, car, au fond, tenter de ne pas surmonter les obstacles de la vie revenait à ne pas vouloir vivre. Et puis maintenant, je ne pouvais définitivement pas l'abandonner. C'était décidé, le temps du repos était terminé.

Des heures, non, des jours plus tard, je parvins à enfin ouvrir les yeux. À ce moment là, la voix que j'entendais le plus souvent, celle de l'infirmière se mit à s'exclamer. Il me fallut encore quelques jours afin de comprendre où j'étais. Interné dans la salle de soins du bunker, j'avais été soigné durant des semaines. Les personnes avec lesquelles je suis arrivé ont réussi à s'en sortir avec moins de blessures que moi et avaient déjà pu refaire leur vie, lentement, mais surement. Elle m'expliqua aussi qu'une fois totalement rétabli, il faudrait que j'aille passer des tests d'aptitude et rédiger un dossier personnel pour je ne sais quelle obscure raison et qu'une fois tout cela fait, un haut-gradé viendrait me donner mon rôle. Je n'avais pas tout saisi dans le détail, mais cela ressemblait bien à ce qui nous était décrit dans les séries post-apo.

Les jours passèrent encore et bien que je récupérais vite selon l'infirmière, je me sentais extrêmement faible, ce qui me fit me promettre de rapidement me remettre au sport. Et c'est à ce moment là que je n'eus plus aucun doute sur la seconde voix que j'avais entendu durant mon long sommeil car sa porteuse était venue me rendre visite. Je croyais délirer sur le coup, mais quand elle vint me coller une pichenette sur le front, tous mes doutes s'évaporèrent. June était bel et bien en vie devant moi et paraissait en pleine forme. Le monde n'était pas si grand que ça au final.

C'est pas trop tôt. Même si t'en as vu des pas vertes, comment oses-tu me faire si peur ? Idiot.

C'était bel et bien la même personne. Toujours aussi gentille et désagréable.

Du calme. J'y suis pour rien si j'ai essayé de sauver les gens avec lesquels j'me suis r'trouvé. Et même si j'ai pas réussi, j'ai fait tout mon possible.

Épargne moi tes larmes et écoute-moi bien : aurais bien aimé qu'on parle de ce qui t'es arrivé, mais je n'ai pas trop le temps, alors faisons vite. Ici, la vie c'est pas une partie de plaisir. Tout le monde à un rôle et doit s'y tenir. Mais je suppose qu'on te l'a déjà dit.

Ouais... Mais je veux me rendre utile. Tu sais comment je suis ? Toujours à vouloir aider les gens qui ne peuvent pas se débrouiller.

Dans ce cas, tu peux devenir outsider, comme moi.

Outsider ?

Ce sont les personnes chargées de remplir des missions à la surface. Sans nous, on n'aurait pas le matériel, les munitions, les armes ou les vivres qu'il faut pour qu'on survive. Pour l'instant, on compte surtout sur les réserves accumulées avant la catastrophe, mais ce ne sera pas suffisant à la longue.

Je vois... Et il faut que je fasse quoi ?

Le post avait l'air intéressant. Mais cela sous-entendait certainement des conditions d'accès difficiles.

T'auras juste à passer les tests. Et si tu veux, je peux te faire intéger l'escouade Alpha. J'aurai juste à donner mon approbation et hop. Le leader est le fils d'un haut-gradé et comme j'en suis une aussi, tu n'auras pas trop de soucis.

Quoi ? Avais-je bien entendu ce qu'elle venait de me dire ? Une escouade dont le leader est un parvenu ? Non mais c'était une blague ou quoi ? Et elle voulait me servir de piston pour que je le rejoigne ? Jamais ! Jamais je ne m'abaisserai à un tel niveau, surtout par les temps qui courrent. On a besoin de personnes compétentes, pas de "fils de" pour remplir une telle fonction. Cette histoire me rappelait ma très mauvaise année de lycée avec Sean, le fils d'un politicien. Le parfait faux-cul de service à toujours vouloir rabaisser moins riche que lui et se croire au-dessus de tout le monde. Incapable de réussir quoi que ce soit sans tricher et le premier à se plaindre devant les profs quand on essaie de lui inculquer les bonnes manières. Je n'avais absolument pas besoin d'un deuxième comme lui dans les parages. C'est donc avec une colère mal contenue que je répondis :

Non ! Si je deviens outsider, ce sera par mes propres moyens, quitte à en baver. Je ne veux pas qu'on sache que je fais partie de te famille si c'est pour avoir des traitements de faveur, ok ? Je, je... Je n'ai pas besoin de ton aide.

Pas besoin de t'énerver ! J'ai compris, c'est bon.

Désolé...

Ne t'en fais pas, je savais que tu allais refuser. T'as pas changé même après toutes ces années. Bon, c'est pas tout ça mais je dois y aller. Ça m'a fait plaisir de te revoir, à la prochaine.

Après cette scène, je n'avais pas recroisé June. Le temps avait passé et j'avais finalement réussi à devenir outsider dans l'escouade Bravo. Mon aversion pour les Alpha n'avait pas cessé de grandir, surtout depuis qu'une rumeur sur Nikolas, car il n'était pas bien compliqué de faire le lien, s'était propagée. Et au final, moi aussi, j'avais doucement refait ma vie. Les débuts n'avaient pas été simples, mais j'étais parvenu à rapidement m'adapter. Et si aujourd'hui je suis devenu un personnage assez peu connu, je sais que nombreuses sont les personnes avec lesquelles j'ai travaillé qui me considèrent comme utile.