Ici, demain ne te pardonne rien

ft. July Roosevelt

La vie politique de son pays l’avait toujours intéressée. Pas qu’elle voulait en faire sa carrière, mais disons qu’elle a certaines idées qui peuvent paraitres très utopiques et parmi elle, celle de ne plus avoir d’ordre hiérarchique. Comment cela pouvait-il être possible ? Ça serait très compliqué à décrire, disons juste qu’Adrian a toujours été dans son monde, un petit monde qu’elle s’était créée dès son plus jeune âge, avec de l’amour de la joie et aucune haine. Elle s’inventait des machines révolutionnaires pouvant maintenir en vie une personne en phase terminale d’un cancer, accessible à tous, entièrement gratuit. D’autres machines transformant le gaz à effet de serre en oxygène et le Soleil en énergie inépuisable. Adrian avait une imagination débordante, malgré son avance marquée. C’est donc tout naturellement qu’elle s’était mise à s’intéresser aux politiciens de son pays, essayant de trouver le représentant de ses idées novateurs mais tous n’étaient que promesse en apparence. Elle développa alors une certaine appréhension pour chacun de ces dirigeants. Et c’est ainsi, par ses connaissances en politique, qu’elle reconnut une jeune fille dans le bunker, une de ces gosses qu’elle ne pensait jamais croiser dans un tel endroit !

Adrian rentra dans l’infirmerie. Des lits étaient alignés contre le mur face à elle, certains étaient occupés par des patients qui souffraient de blessure, de maladie, ou d’intoxication. Des infirmières se précipitaient au chevet des plus souffrants, la mécano s’avança vers un lit libre et s'assit. Elle se tenait l’index de sa main droite avec son autre main. Elle regarda un peu autour d’elle comme si elle cherchait quelqu’un et c’était le cas. Elle savait que cette fille travaillait dans la salle de soin, évidement elle avait dû recevoir la meilleur éducation du pays mais qu’une personne comme elle se décide finalement de venir en aide aux gens l’étonnait énormément. Elle retourna sa tête à gauche et l’aperçu, la personne qu’elle cherchait était là.

Elle s’était jurée de ne jamais juger quelqu’un sur son apparence, son milieu sociale ou autre mais depuis qu’elle était entrée dans ce bunker elle avait du mal à tenir cette promesse. Elle avait reconnu une fille d’un certain sénateur. Le comment, pourquoi, par qu’elle raison elle était là ne l’importait peu. Ce sénateur en question était surement une des plus grosses pourritures de ce pays, d’après elle. Adrian se devait donc de se confronter à cette fille à papa, pourrie gâtée, de la ramener à la dur réalité des pauvres prolétaires vivants dans un bunker. Elle en avait envie, elle en avait le besoin. Le médecin, ouais parce qu’elle est médecin en plus, semblait l’avoir remarquée. Adrian se concentra sur sa blessure, une petite coupure qui lui barrait le doigt en crachant quelques gouttes de sang, de façon à ce qu’elle devait tenir son rôle de blessée. Elle l’attendait…

Journée normale que July Roosevelt : patients qui se plaignent, patients qui végètent dans les lits de fortune aménagés pour l'occasion. Seringue à la main, la jeune femme faisait la tournée des estropiés en veillant à plaindre ceux qui étaient les plus amochés – elle plaignait le pauvre bougre qui s'était coincé le pied dans une porte coulissante – et renvoyer dans leur compartiment et à leurs travaux respectifs ceux qui étaient ici pour gratter un peu de temps.

Elle avait de grosses cernes sous les yeux, preuves de l'entraînement qu'elle s'efforçait de suivre pour ne plus avoir peur de sortir un jour et avait dû croiser une bonne centaine de patients depuis le début de la journée, à croire qu'ils s'étaient tous passé le mot pour venir lui faire coucou. Le prochain prétendant être assez blessé pour être immobilisé alors qu'il saignait juste du doigt, il passerait un mauvais quart d'heure, c'était sûr !

En parlant de cela, ses yeux s'étaient tournés vers la prochaine personne qu'elle devrait ausculter : une jeune femme brune d'à peu près son âge. Elle semblait avoir un regard rebelle, mais elle ne tenait pas à s'arrêter à ce premier aperçu : tout le monde avait un regard rebelle, ici, à force de croiser des choses non humaines. Elle s'avança vers elle, tentant de deviner ce qu'elle pouvait avoir en la couvant du regard : intoxication ? Problèmes psys ? ...Elle ne semblait pas être blessée physiquement, du moins en apparence, c'est pourquoi elle posa la question habituelle :

« Bonjour ! De quoi souffrez-vous ? »

C'est à ce moment-là que July Roosevelt vit la doigt blessé de la demoiselle : elle fronça les sourcils, se demanda si cette nana avait eu le culot de venir lui faire perdre son temps pour cette broutille. Elle le manipula tout de même avec précaution pour vérifier qu'il n'y avait rien d'infecté et qu'elle ne se trompait pas sur cette personne. Négatif.

« C'est pour...le doigt, là ? ...Euh...Vous vous avez les vaccins contre le tétanos ? Vous vous êtes fait ça où ? Parce qu'une blessure de la sorte...vous devez vraiment souffrir ! Non mais vous n'avez pas honte ! Il y en a qui attendent pour se faire amputer la jambe, les poumons en feu ou bien à la limite de la mort, et vous, comme les deux idiots de tout à l'heure qui voulaient se faire dispenser de travaux pratiques, c'est juste un doigt un tout petit peu coupé !? »

Excédée, elle avait bougé les bras dans tous les sens, et sa figure était devenue rouge comme une pivoine. Il y avait dans ses yeux à ce moment-là une petite flamme qui aurait, pour les connaisseurs, évoqué la figure de son paternel.

« Votre nom. Je vous laisse cinq secondes pour partir ou je fais un rapport à mes supérieurs. »

Ici, demain ne te pardonne rien

ft. July Roosevelt

La politique de ce pays n’allait pas sans nombreux scandales. Un candidat qui prônait tel opinons improbable à l’encontre des droits de l’Homme, un sénateur qui trompait sa femme avec des prostituées, un autre encore qui se permettait de négocier avec des pays sous-développés pour leur piquer leurs seules ressources. Rien n’allait dans cette classe de riche. Tout n’était que scandale et exposition de pouvoir. Personne ne pouvait se permettre de se dire irréprochable.  Et ça valait aussi pour le sénateur Roosevelt dont ses idées politiques choquaient Adrian. Elle avait même participé à une manifestation contre cet homme et voilà maintenant qu’elle croisait sa propre fille dans les couloirs du bunker. Qu’est-ce qu’elle faisait là ? Les politiciens n’étaient pas cachés sous le sol avec de nombreux autres riches dans un bunker en or ? Ou étaient-ils tous morts ?

La mécano jouait avec un visage neutre, ce qui trahissait cruellement son manque de crédibilité. Le docteur s’approcha enfin d’elle. C’était une jeune femme, un peu plus âgée qu’elle, aux yeux de couleur miel, comme Adrian. Elle fit une moue dégoutée de savoir qu’elles avaient ce point en commun. Elle lui tendit le doigt. Le visage du médecin ce fit plus dur, plus sérieux, elle avait capté son attention. Elle lui posa d’abord une question, elle essayait surement de rester calme face à l’urgence de la situation, avant de l’accablé de reproche. Adrian esquissa un sourire en coin, ses yeux se firent tout aussi accusateur que ceux de son interlocutrice, elle attendit qu’elle finisse son monologue. Elle conclut même celui-ci par une menace. Adrian se leva sans se presser. Et bien, on dirait que tu ne me connais pas, et pourtant j’ai une certaine réputation, un peu comme ton père. Elle fit deux pas vers le médecin, un regard plutôt froid, elle transperçait ses yeux de reproches silencieux. Le monologue moralisateur qu’elle venait de lui faire ne l’atteignait pas, cette personne qui osait lever la voix avait bien plus de chose à se reprocher qu’Adrian qui voulait juste un petit pansement pour son doigt en sang.

« Et toi ? Qui es-tu ? Pourquoi caches-tu ton véritable nom ? Elle fit une pause, observant la réaction de l’accusée. Oh mais je pense savoir, je te connais. Je sais qui tu es. » Elle avait parlé d’une voix calme, monotone, sans vouloir alerter les personnes autour d’elle. Elle s’était approchée du médecin, elle était rentrée dans son espace personnelle, imposant sa présence qui se voulait légèrement menaçante. Elle leva alors son index, le plaçant entre leurs deux visages. « J’aimerai juste un pansement, Mlle Roosevelt. » Adrian avait conclu sa phrase par un sourire froid.