Lorsque j'étais allé remettre ma lettre au haut gradé afin qu'il m'affecte à une escouade, j'avais rencontré une jeune fille : Elia. Je la trouvais très jeune pour partir en mission à l'extérieur du bunker après tous, depuis la catastrophe le monde n'est plus le même. A son age j'étais encore au lycée, je sortais avec mes amis après les cours, je flirtais de temps à autres... Je n'allais certainement pas, arme à la main, me battre pour ma survie. C'était impensable. Pourtant le monde est ce qu'il est maintenant et les belles années de lycée semblent maintenant si loin.

Après avoir discuté quelques temps avec la demoiselle, je compris alors pourquoi elle ne craignait pas de sortir. Je ne connais pas les détails mais sa vie d'avant ne semble pas bien différente de maintenant. Ce genre de personne, je n'aurais jamais pensé les fréquenter ni même les rencontrer lorsque le monde tournait encore comme il faut. Pourtant aujourd'hui nous voilà dans la même escouade, à se confier nos arrières l'une à l'autre.

D'ailleurs, je lui avais demandé s'il lui était possible de m'enseigner un minimum le maniement des armes avant ma prochaine mission. Avant la catastrophe je ne m'étais jamais approché d'une arme à feu et je ne m'en étais encore moins servie mais aujourd'hui je n'avais plus le choix. S'il faudrait que je tire pour survivre je tirerais. Mais tant qu'à faire autant s'arranger pour que la balle touche juste. Nous nous étions donc donné rendez vous dans la salle d’entraînement. Je m'étais habillée avec un short et un débardeur pour ne pas gêner mes mouvements.

Je chercha donc parmi les quelques salles jusqu'à ce que j'aperçoive Elia en train de tirer sur une cible. J'attendis qu'elle ait fini, ne voulant pas la déranger, faire sursauter les gens dans ce genre de moment ne fini pas toujours bien. Puis je me dirigea vers elle et lui posa la main sur l'épaule :

- Salut ! Je t'ai pas trop fait attendre ? Merci en tout cas de prendre du temps pour m'aider en tout cas, j'apprends vite mais encore faut-il que quelqu'un veuille bien m'apprendre.

Je lui souris. J'étais sincèrement contente qu'elle ai prit du temps pour cela, je ne pense pas que beaucoup de personnes l'auraient fait étant donné que le temps est si précieux de nos jours. Mais notre escouade n'était pas encore complète et il faudrait attendre quelques jours avant de se voir assigner notre première mission je pense. Et je comptais bien profiter de ce sursis pour en apprendre au maximum.

- Je ne fais pas ça que pour toi, je n'ai absolument pas envie de mettre ma vie entre les mains d'une bleue... Commence par le prendre en main.. Tirer n'est pas simple, tu pourrais te blesser si tu ne le tiens pas correctement...

Je reconnais ne pas lui faire un cadeau en lui demandant de m'aider mais si elle avait accepté c'est que cela ne lui pesait pas trop non ? Elle m'avait répondu un peu sèchement mais je ne m'en focalisa pas. Peut-être était-ce simplement pas sa journée ? Et elle ne m'avait ni manqué de respect ni insulté donc je ne fis pas attention au ton qu'elle employait.

Cela aurait été une autre gamine, je l'aurais peut être remise en place mais dans le cas présent c'est moi qui lui avait demandé un service, je n'étais pas en position de lui donner une leçon de politesse. Et puis ce qu'elle avait dit n'était pas faux du tout, au contraire, j'étais assez grande pour savoir ô combien c'est dangereux les armes tout particulièrement dans des mains non expérimentées.

- Bien, au moins nos intentions se rejoignent : la dernière chose que je souhaite c'est de trouer le torse de l'un de mes compagnons.

Je mis le casque que j'avais autour du coup sur mes oreilles pour les protéger du bruit. Si je n'avais jamais tiré, j'étais souvent passé dans les salles d’entraînement et à chaque fois je m'étais dit qu'elles étaient bien insonorisées : ailleurs c'était le silence mais dans ces salles, le tonnerre grondait à chaque tir. Je me positionna face à ma cible et soupesa le poids de l'arme. Je la brandi devant moi en faisant attention à ne viser personne avec et la tins fermement des deux mains : une sur la poignée et la seconde sur la première. Mes doigts au niveau de la détente sans pour autant être dessus.

- Comme ça ?

Demandais-je pour la position. J'essayais de refaire au mieux ce que j'avais aperçu en me promenant dans ces lieux même si je doutais que dans la réalité on me laisse prendre le temps de me positionner et de viser avant de me faire tirer dessus. Mais rien n'empêche d'avoir de bonnes bases. C'était pour cela que j'avais demandé à la demoiselle de m'aider.

- Il ne faut surtout pas que tu garde tes deux bras tendus, sinon c'est ton épaule qui encaisse le retour, ne sous-estime jamais le retour d'une arme à feu, on dirait pas comme ça mais si tu ne fais pas ça, tu pourrais même te le reprendre en pleine face...

Elle mit sa main derrière mon épaule et me dit :

- Tu peux tirer ta première balle, ne te crispe pas, sois détendue et fais attention au retour.

Ok, je soufflai un bon coup et tentai de viser ma cible en appuyant sur la détente, même si je me doutais bien que pour un premier coup je n'allais pas faire un headshot. Mais il valait mieux essayer de tirer vers la cible où il n'y avait personne que n'importe où. Je connaissais déjà le bruit de la détonation mais la provoquer c'est autre chose. Au moment où je l'entendis mes bras partirent en arrière à cause du recul. Le flingue manqua de me péter le nez, si mes bras n'étaient pas aussi solide c'est certainement ce qui se serait passer.

Vous connaissez l'adrénaline du premier tir ? Maintenant moi oui. C'était époustouflant, assez unique en son genre. Je n'irais pas jusqu'à dire jouissif comme pensent certains mais c'est quelque chose de spécial. Je baissa mes bras et souffla encore un bon coup. J'avais le sourire jusqu'aux oreilles si on peut dire et lorsque je parlai, je criai presque. Être si près du tir m'avait rendu presque sourde aussi je parlai si fort afin de m'entendre que toute la salle tourna la tête vers nous :

- WHOA ! C’ÉTAIT GÉNIAL !

Remarquant avoir attiré l'attention, j'esquissai un sourire de gêne à Elia, enlevai mon casque et continuai à voix plus basse -enfin, à ton normal quoi.

- Je m'attendais pas a autant de recul, les films c'est du n'importe quoi alors. Heureusement que tu m'as prévenue ! Je saurais au moins à quoi m'attendre comme ça...

Je notai la petite remarque qu'elle avait dite mais comme elle s'empressa de continuer je n'y répondis pas mais la mit dans un coin de ma tête : à l'occasion j'essaierais de voir s'il y a une foutu télévision dans ce bunker et si ce n'est pas le cas j'en déterrerais une à l'occasion s'il le faut. A son age je passais mes soirées à manger des chips devant de bon vieux films, peut-être qu'aujourd'hui le contexte s'y prêtait moins mais c'était encore une chose qui ne faut pas priver à une adolescente !

- Bon.. T'es plutôt à l'aise, maintenant je veux que tu vise la tête, je vais te donner une petite astuce perso, vise et imagine toi toucher ta cible, il faut que tu voyent bien la balle atteindre son objectif. Puis tire...

- Ok !

Je me remis en position, pris le temps de bien respirer et appliqua sa petite astuce : ma balle sortir de mon arme, filer à l'autre bout de la salle et troué la silhouette en carton en plein dans la tête. Je n'avais rien contre ce pauvre petit carton mais il était plaisant d'imaginer que mon tir ferait mouche. J'appuyai donc sur la détente et vu le tir partir. Il toucha la cible, mais pas aussi bien que je l'avais imaginé. Il troua le carton au niveau de l'épaule. Au moins je l'avais touché contrairement à mon premier tir, mais je pense qu'il allait me falloir encore un peu d’entraînement pour arriver à bien gérer.

Si en prenant mon temps et me concentrant j'arrivais seulement à ce résultat, face à un homme, dans des conditions de survie je doute faire mieux au contraire. Je n'espérais pas des miracles, je n'avais jamais touché à une arme avant, c'était ma vivacité d'esprit et ma bonne forme physique qui m'avait permis d'avoir un poste d'outsider. Je voulais juste en connaître assez sur ces petits jouets pour ne pas blesser involontairement un camarade.

- Bon... y'a encore des progrès à faire, j'espère que ça viendra non ?

Je réfléchis un moment, je ne savais pas si cette question se posait mais après tout. Je m'excuserais si j'ai demandé quelque chose qui ne fallait pas :

- Dis moi... Tu as mis combien de temps pour arriver à tirer juste toi ?

- Tu sais.. J'ai jamais tiré par plaisir, du moins au début... Si à mes neuf ans, la première fois que j'ai eu une arme en main, je n'avait pas touché m'a cible... Je serait morte à cette heure ci.. Je ne me suis jamais entraîné, chaque fois où j'ai tiré, c'était pour tuer... Si je te dis ça... C'est que je sens que tu es quelqu'un de gentille et puis je crois que tu voudrais savoir avec qui tu risque ta vie hein ? J'aimerais que ce que l'on se raconte reste entre nous... Mais.. Je te promet de t'aider.. Et de surveiller tes arrières autant que je le peux..

Cela me fit plaisir qu'elle me réponde, ce n'était pas une question très délicate de ma part je l'admet. Mais neuf ans tout de même. Cela me révoltait de savoir qu'il existait déjà -encore? autant?- de gamins n'ayant jamais eu d'enfance avant la catastrophe. Maintenant ils étaient tous condamné à ne jamais connaître ce que tout enfants devrait avoir : une vie naïve et tranquille. Peut-être dans quelques siècles, je l'espérais mais mes espoirs s'arrêtaient là : cela ne me concernerait plus je ne vais pas prier pour cela.

Tuer. Ce sont de mots crus qui sortent de la bouche d'une adolescente. Elle semblait avoir vécu en quinze ans bien plus que moi en vingt ans. Elle était vraiment mature pour son age, j'espérais que l'enfant qui est en elle s'est juste éclipsé et qu'il n'a pas entièrement disparu ? Ce n'était pas que j'avais de la pitié pour Elia c'est juste que je l'appréciais et que mon éducation était tellement différente de la sienne.

- Cela va de soi. Ne t'inquiète pas je ne vais pas crier sous les toits ce que l'on se raconte.

Je me remis en position et tira une troisième fois, puis une quatrième et une cinquième. Deux d'entre elles touchèrent leurs cibles et une la rata de près.

- On va risquer notre vie ensemble c'est bien vrai. Merci de m'avoir répondu, ça me fait plaisir que me raconte ça. Tu sais, pour ma part j'ai eu une enfance tranquille tu t'en doute bien, j'aurais pu rester tranquille dans le bunker et pas risquer ma vie e sortant dans cet enfer.

Cette fois ce fut à mon tour de marquer une pause.

- Mais j'ai besoin de retrouver quelqu'un. Si je me suis portée volontaire, si je suis prête à apprendre à tirer -et même tuer, mais cela je ne le précisa pas- C'est pour retrouver mon fiancé... Ou tout du moins retrouver une trace de lui, peut-être est-il mort ? Mais tant que je n'en aurais pas la certitude je continuerais à le chercher.

Je continua à vider mon chargeur sur la cible et lorsqu'il fut vide je lui demanda.

- Et toi ? Pourquoi te portes-tu volontaire ?

Nous nous retrouvâmes à discuter de nos affaires personnelles. Depuis que je m'étais retrouvé en ces lieux je n'avais encore trouvé personne avec qui parler de ce genre de choses. Je pense que cela devait me manquer...

- Merci.. Merci de m'écouter

- Non ce n'est rien, je suis contente que tu ai pu te confier à moi.

La demoiselle avait du en baver avant d'arriver au bunker, pas étonnant qu'elle trouve sa vie actuelle plus plaisante qu'avant. Pour la plupart des gens, moi y compris je ne le cache pas, rester enfermer sous terre sans pouvoir sortir et vivre une vie que l'on pourrait qualifier de "normale" est un véritable enfer. C'était curieux comme quoi, ce n'était pas la vision de tout le monde.

Chaque outsider à ses raisons de vouloir sortir affronter le danger mais pour Elia cela semblait juste... Normal. A mesure que je la connaissais, je commençais à me prendre d'affection pour cette jeune fille. On avait absolument rien en commun mis à part notre escouade mais c'est justement le fait que l'on soit si différente qui me pousse a essayer de mieux la connaître.

Mais nous avions peut-être assez discuté de sujets délicat pour aujourd'hui. J'attrapai un chargeur posé sur la table et lui demanda :

- Sinon, tu peux me montrer comment ça fonctionne ?

J'avais déjà vu des personnes faire, mais je n'étais pas assez sure de moi pour m'y lancer. Cela ne devait pas être bien dur mais quitte à avoir un professeur particulier autant lui demander de me montrer une fois, je n'avais pas envie de faire une bêtise, encore plus si elle pouvait devenir dangereuse.

Vous pouvez peut-être croire que je suis un peu peureuse ou que je crains trop le danger, ce n'est pas cela au contraire je suis plutôt téméraire. Mais je ne suis pas idiote ou inconsciente pour autant, juste prudente.