Lorsque nous arrivâmes enfin à destination, je pénétrai dans le bâtiment à la suite de Lynch Crow (héhé), l'arme toujours en main. Il faisait sombre mais le vent ne parvenait pas à traverser les murs épais du bâtiment. Rangeant mon fusil d'assault dans mon sac, je ressortis l'Uzi avant d'empoigner ma lampe de poche et de l'allumer. Balayant l'espace ravagé de mon faisceau de lumière, on attendit quelques secondes afin de vérifier qu'il n'y ait pas de bruits étranges. Rassurés, notre leader nous intima alors d'aller fouiller les salles avant d'inspecter les étages. Peu confiante à l'idée de me retrouver seule dans un décor de film d'horreur, je mis mes craintes de côté et déglutis difficilement avant de filer vers la droite tandis que Lewis faisait de même à l'opposé.

J'avançais doucement, faisant le moins de bruit possible et tressaillant légèrement lorsque mes pas résonnaient un peu trop fort. Glissant sur le sol comme une ombre, je me mis peu à peu à prendre l'habitude de cette obscurité, veillant néanmoins à ne pas braquer ma lampe vers les fenêtres afin de ne pas me faire remarquer de l'extérieur. Le rayon, à moitié amoindri par ma seconde main qui tenait mon arme, je devais régulièrement me pencher ou m'approcher pour fouiller les meubles, bien que la plupart d'entre eux semblaient avoir déjà été pillés depuis longtemps. Passant rapidement les bureaux et délaissant les paperasses éparpillées au quatre coin des pièces, je me concentrai plus assidûment sur les zones de soins, notant avec frustration les armoires à pharmacie vides.

« Pourquoi j'ai accepté cette putin de mission... »pensais-je, avec un sourire crispé.

D'un autre côté, qu'est-ce qui était le plus intéressant, dépérir petit à petit dans un bunker qui ne tarderait pas à imploser, ou se sentir vivre une dernière fois en côtoyant le danger comme je ne l'aurais jamais fait... La raison me poussait à dédaigner la dernière solution, mais mon esprit avait déjà été bien assez torturé pour que je veuille encore d'une existence aussi cruelle que l'enfermement dans un bunker.
Fermant les yeux quelques secondes j'inspirai longuement avant de souffler doucement, tâchant de calmer les battements de mon cœur. La situation était mauvaise... Notre leader faiblissait à vue d'oeil et j'espérai que sa blessure n'empirerait pas. Il avait besoin de soins, nous avions besoin d'un soutien... Et tout ce qu'on avait c'était...

Décidément, j'ai un karma de merde. dis-je dans un murmure.

Lâchant un léger rire plus pour me consoler qu'autre chose, je ramassai de longs bandages qui semblaient encore en bon état. Au moins, si l'un de nous se prenait à nouveau une balle quelque part, il n'y aurait pas à partager le pansement de Lynch. Positive, Triss, positive... Des mercenaires, une horde, des pillards... et t'es encore en vie. Qui sait, peut-être que tout s'arrangera, comme dans les films.

J'atteignais bientôt l'extrémité du bâtiment et je n'avais rien trouvé d'utile. Quand j'ouvris la dernière pièce, ce qui ressemblait fort à une ancienne réserve ménagère, je passai entre les balais brisés et les seaux renversés afin de tâtonner de la main les dernières étagères en priant pour ne pas poser mes doigts sur une sale bestiole. Rentrant en contact avec quelque chose, je tirai alors dessus et vis avec une déception certaine une corde tomber à mes pieds. Qu'est-ce que j'allais bien pouvoir faire de ça... On en avait déjà une, en plus... Retenant un soupir, je me décidai tout de même à la glisser dans mon sac, imaginant qu'il me faudrait peut-être l'utiliser pour ficeler le cadavre de Lynch une fois qu'il se serait vidé de son sang. Humour noir à part, je ne perdis pas plus de temps dans cet espace confiné et je repris ma lampe de poche avant de ressortir dans les couloirs plongés dans le noir. Aucune fenêtre ne donnait sur eux, il régnait une obscurité absolue et la lueur de la lune ne parvenait pas à me rejoindre pour me rassurer de son éclat blafard.

Accélérant le pas tout en faisant en sorte de ne pas shooter dans des seringues cassées ou des douilles éparpillées, je faillis me mettre à courir quand je reconnus la silhouette de notre leader à la lueur de sa lampe. Il était dans le hall, une grande pièce circulaire qui elle, en revanche, avait l'avantage de posséder une petite fenêtre bien que barricadée par de vieilles planches en bois pourries. Le rejoignant, je remarquai de Lewis n'était toujours pas revenu de son escapade, alors j'en profitai pour me laisser tomber aux côtés de Lynch, m'adossant contre le mur. Le silence soudain en l'absence du vent était étonnant, presque oppressant. Mais je commençais à me faire à l'idée que maintenant, il n'était plus possible de revenir en arrière... Alors je faisais comme à chaque complication que j'avais pu avoir : j'encaissais, et je me forçais à voir le bon côté des choses.

Une corde et des bandages, lui dis-je alors comme unique découverte. Tout a été pillé ici... Je ne sais pas si on trouvera quelque chose qui peut...

« nous sauver la vie ? »

… nous être d'une grande utilité.

Éteignant ma lampe pour épargner la batterie des piles, je lâchai un long soupir avant de remonter mes genoux contre ma poitrine. Les entourant d'une main et posant l'autre à terre, les doigts en contact avec la crosse de mon arme, je laissai un blanc s'installer quelques instants. C'est marrant... C'est dans ce genre de situations où on se remémore des souvenirs... Et pour le coup, je me souvenais exactement de la dernière fois où je m'étais retrouvée seule avec Crow. Ce fameux jour où, s'il n'avait pas débarqué, j'aurais passé un mauvais moment... Et voilà que maintenant, il devait encore porter la responsabilité de veiller à la survie de son équipe. J'aurais aimé faire pencher la balance, montrer que j'étais d'une utilité non-négligeable, mais je n'étais pas assez naïve ou rêveuse pour me convaincre de l'être. Alors tout ce qu'il me restait à faire... C'était éviter les conneries et faire en sorte de ne pas être un boulet dans cette escouade misérable...

Dis... Tu as vu toutes les douilles, par terre ? Tu penses que ça date d'il y a combien de temps ?

Retenant un frisson, j'espérai que c'était là les vestiges d'une discorde lointaine. Il y avait eu des affrontements, dans ces lieux... La pagaille qui y régnaient en dehors des munitions usées était une preuve indéniable. Peut-être même allait-il y avoir des espèces de zombies, comme j'en avais entendu parler ? Mais tout semblait silencieux... Et je m'accrochais à ce détail comme un naufragé à sa bouée.

Au moment où je parlais des douilles, je le vis se relever pour aller en prendre quelques unes en main. J'avais fait cette remarque de façon un peu anodine, sans attendre une réelle réponse de sa part. Mais que je le vis s'arrêter sur quelques unes en particulier avant de me proposer d'aller fouiller le humvee. Voyant l'absence de réponse, je le laissai partir en premier avant de me saisir à mon tour des balles qu'il avait touchées en dernier. Tressaillant en sentant leur chaleur, je jetai furtivement des regards aux alentours et attendis une dizaine de secondes pour être sure de ne rien entendre. S'il y avait eu des ennemis à proximité, cela ferait bien longtemps qu'ils nous auraient abattu... Il n'y avait plus qu'à prier pour qu'ils soient partis et qu'on se retrouve désormais seuls. Filant vers les couloirs de gauche, je faillis rentrer dans Ayden qui tournait à l'angle de l'un d'eux. Heureusement que je n'étais pas assez préparée au combat pour avoir eu le réflexe de lui coller une balle...

On fait un aller-retour pour fouiller le véhicule, lui lâchais-je alors. On se retrouve dans le hall quand tu auras fini.

Hésitant à poursuivre, la lueur de ma lampe de poche trembla une fraction de seconde avant que je ne me décide à lui dire le reste.

Le... Les douilles sont encore chaudes, dans l'entrée... Je ne pense pas qu'on ait été repérés par qui que ce soit mais... Fais attention à toi.

Filant en sens inverse, je traversai le hall et rejoignis Lynch qui venait de trouver une piqure d'adrénaline. Je fus rassurée, même si je savais que son utilisation signifierait qu'on atteindrait des sommets en terme de complexité. Au moins, s'il venait à s'évanouir, on pourrait toujours le réveiller et foutre son cul sur la banquette arrière pour un retour expéditif au bunker. Faisant le tour du véhicule en effleurant le métal gelé, je sentis à nouveau la tiédeur se dégager du capot et je ne pus m'empêcher de regarder vers les fenêtres de l’hôpital qui nous surplombaient. Regardant sous les sièges, je ne mis la main que sur une pièce de métal à la forme un peu étrange. Même en tant qu'animatrice, je n'avais jamais eu de chance à la chasse aux trésors... Il fallait croire que cette poisse était inscrite dans mes gênes. Plus par amusement qu'autre chose, je décidai de ranger ma trouvaille dans mon sac, veillant à ne pas me couper avec la hache qui y était désormais accrochée.

Il fait de plus en plus froid... Murmurais-je, sans savoir si Lynch m'entendait.

Semblant être d'accord avec moi, on retourna au fond de la salle d'accueil, là où la température était bien plus acceptable. Voyant qu'il avait de nouveau enlevé son masque, je décidai d'oublier toute prudence et ôtai le mien avant de me rasseoir contre le mur et de tirer une cigarette. L'allumant au coin des lèvres, je laissai la nicotine envahir mes poumons et mon sang, m'apportant une vague de bien être qui me fait frémir de plaisir. Apparemment, même dans les moments les plus noirs, on arrivait toujours à trouver un petit temps de satisfaction...

Tu crois que ce sont des gars à nous ? Lui demandais-je en montrant les douilles. L'équipe qui ne donne plus de nouvelles? Ou...

Ou des mercenaires, des pillards, des ennemis... Des mecs près à nous déchiqueter la gueule quand ils reviendraient.

… ou autre chose ?